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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 18:50

Cela fait quelques mois que j'en entends parler, que j'en parle et que je cherche à faire parler d'elle. Et ça y est. La bourse gratuite de Melgven, (une commune du sud Finistère) vient de clore sa quatrième édition. Mais pour moi, c'était une première. Récit.

Me voilà donc, les samedis 25 octobre et 8 novembre, de bon matin, de part et d'autre des bennes de la déchèterie de Concarneau. Sexy, non? Samedi pluvieux et glacé, qui viendra jeter sa vieille machine à laver? Qui aura l'envie de faire le grand ménage? Nous ne sommes pas au printemps. Et la pluie rend la tondeuse inefficace. Je m'attendais à me tourner les pouces, à discuter avec Marco, le gardien, bien au chaud dans le chalet qui surplombe les fausses en acier.

Innocente...

Deux samedis de rang, en plein mois d'automne, des dizaines et des dizaines de personnes se sont succédées, le coffre plein de cochonneries, prêts à dégainer leurs déchets accumulés dans les bennes dédiées.

-Où je mets ça m'sieur? demande-t-on à tout va.

Pas de bonjour...Ici, on a pas envie de trainer. Plus vite on aura vidé son coffre, mieux on se portera.

Vêtue de mon dossard jaune, je m'approche, presque timide devant un fourgon blanc où vont et viennent trois ou quatre hommes.

-bonjour messieurs, je travaille pour la prévention des déchets, je vous informe que nous organisons une bourse gratuite le 16 novembre à Melgven.

On me regarde perplexe. Les quatre hommes ne bougent plus. Faut-il sourire? Eh bien, accessoirement, oui! Mais ce n'est pas obligatoire. S'interrompre 30 secondes pour m'écouter et je suis déjà reconnaissante. Et c'est ce qui se passe, YES!

Je reprends.

-Donc si vous possédez des objets que vous ne voulez plus, mais qui peuvent encore servir, n'hésitez pas à les mettre dans le camion juste derrière... -euh des choses comme ça par exemple? L'homme me montre un tas de fringues pas toutes neuves, mais tout à fait mettables!

-oui monsieur!

-et euh, j'ai un vélo là, et puis un canapé ici..Mais il est pas terrible, plus trop à la mode quoi...

je penche la tête au dessus de son épaule et j'aperçois un canapé flambant neuf.

-Tout cela peut encore servir monsieur....Le camion est par là!

Je marche les mains dans les poches, pensante. Marco me sourit, complice:

-tu n'es pas au bout de tes surprises...

A la déchèterie, deux samedis durant, nous avons récupéré plusieurs centaines de kilos de vêtements, chaussures, livres, matériel électronique, objets déco, mobilier...

Des livres d'art, une platine vinyle, un canapé en cuir massant, en cuir tout neuf!

Et tous ces objets qui valent une fortune devaient être jetés.

Je rentre chez moi, perturbée par tant de gâchis et une phrase résonne: Tout est là. Tout est là, chez notre voisin désireux de changer son intérieur, chez ce peintre décédé qui lègue sa bibliothèque, chez l'inconnu qui part vivre à l'autre bout du monde la semaine prochaine, et qui souhaite vider sa maison de son canapé, sa vaisselle, son lit et son armoire.

Tout est là, sous nos yeux, prêt à l'emploi ou raccommodable, simplement!

Les semaines passent, on stocke cet immense gisement d'objets qui attendent d'être adoptés, réutilisés, ressuscités. Et le "jour J"arrive enfin.

Samedi 15 novembre à 15 heures pétantes, les portes de la salle polyvalente s'ouvrent aux dons. Des dizaines de personnes viennent pour donner tout ce dont ils ne veulent plus. Ils sont beaux, à faire des aller retour entre le coffre de leur bagnole et la salle qui se remplit à vue d'oeil. Ils sont souriants, fiers, heureux de se libérer, de s'alléger, de donner.

La journée passe, et moi aussi je me sens bien. Heureuse de participer à cela.

Puis vient dimanche. LE jour J.

A 9H30, je m'applique à disposer des affiches ici et là. Je range, je scotche, je dispose des documents de sensibilisation sur la table: comment et pourquoi composter? Que trier? De quoi est constituée ma poubelle? Je fais des bises, je prends du recul pour avoir une vue d'ensemble. C'est beau, dis-je.

10H00 ouverture des portes.

Des premiers cris raisonnent, et c'est la course. Des familles Se précipitent, en moins de dix minutes, 500 personnes ont franchi la porte d'entrée. Pour des raisons de sécurité, on ne laisse plus personne entrer.

La file d'attente s’amoncelle. Il faut attendre 1h30 avant que l'entrée puisse enfin se libérer. Dans la salle, c'est la débandade. On se précipite sur les fringues, les bouquins, les jeux et les ordinateurs.

A voir les hommes et les femmes se précipiter de la sorte, on dirait que la valeur d'un objet est plus grande quand celui-ci est gratuit.

Je regarde le spectacle perplexe, avec l’étrange impression que les visages étaient plus beaux, plus détendus et sereins hier -lorsqu'il s'agissait de donner tout simplement- qu'aujourd'hui où l'on prend parce que c'est gratuit.

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